jeudi 3 janvier 2008

pour une reconnaissance effective de la langue des signes française

Appel pour une reconnaissance effective de la langue des signes française
dans l’espace éducatif des enfants sourds.

Cet appel vise à informer le plus largement possible de la situation faite aux enfants et adolescents sourds qui ne trouvent plus désormais la langue des signes française (LSF) dans les lieux éducatifs qui les accueillent.
Paradoxalement en effet, alors que notre pays vient de reconnaître l’importance de cette langue et que les langues des signes sont posées par la Commission Européenne comme « partie du patrimoine tant linguistique que culturel de l'Europe », l’organisation éducative, dans notre pays, fait le plus souvent entrave à son existence réelle : 1% des enfants sourds scolarisés ont la LSF comme langue d’enseignement. Alors que la loi de février 2005 reconnaît cette langue comme une « langue à part entière » et que le droit réaffirme la possibilité d’être enseigné dans cette langue, les dispositifs éducatifs, dans les maternelles et classes primaires de l’éducation nationale notamment, ne prennent pas acte du texte voté. Dans de nombreuses régions, l'enfant sourd, sous prétexte d'être « intégré », est de fait placé, seul, dans un milieu où n'existent autour de lui que des langues sonores auxquelles il n’a pas accès en raison de ses particularités sensorielles. Dès lors il n’est plus en contact avec cette langue des signes car il est séparé de ceux qui la parlent. N’ayant pas accès aux échanges en langue vocale qui l’environnent, l’enfant sourd n’a pas accès à l’information et à la culture.

Ce principe d’intégration individuelle en milieu dit ordinaire, profondément discriminatoire et contraire à l'esprit de la loi votée en 2005, doit être interrogé dans ses fondements car il n’est pas respectueux des particularités et des différences de ces jeunes sourds.
Cette exclusion de la LSF et de groupes de locuteurs en LSF de l'espace éducatif est aggravée par la tendance de certains milieux à assimiler la surdité à une maladie représentant un problème de santé publique. Il est ainsi proposé aux pouvoirs publics de généraliser un dépistage néonatal (dans les 3 jours après la naissance) en vue de pouvoir recourir aux implants cochléaires présentés comme seuls efficaces pour guérir la supposée maladie. Une expérimentation entamée en 2005 et devant se terminer mi-2007 a déjà été hélas lancée dans six régions de France. Pas plus ici que dans le dépistage réclamé par l’INSERM concernant le dépistage des « troubles de conduites chez l’enfant », l’amalgame et l’analogie ne sauraient valoir scientificité !
Pour ce qui est du dépistage néonatal généralisé, il nous faut préciser que ne se trouvent pas remplis les critères de l'Organisation Mondiale de la Santé prévus pour une telle procédure. Ajouter indûment la surdité à la liste des maladies déjà prévues (hypothyroïdie, mucoviscidose, drépanocytose, phénylcétonurie, hyperplasie congénitale des surrénales) justifiant un dépistage néonatal vise à transformer les Sourds en malades à soigner. De nombreux praticiens de la petite enfance ont justement souligné en quoi les annonces prématurées de surdité allaient poser d'importants problèmes quant aux relations précoces au sein de la famille. En quoi également elles viendraient fragiliser la stabilité émotionnelle future. La fiabilité douteuse des tests (une proportion importante de dépistés « sourd » se sont avérés ne pas l’être !) comme l’absence de réel traitement conduisent à s’interroger sur les raisons de la hâte à rendre opérationnel ce dépistage dit « de masse » en ne respectant pas les critères de l’OMS !

Pour ce qui est de l'implant cochléaire que certains milieux médicaux extrémistes présentent désormais comme obligatoire, le Comité Européen d'Ethique vient tout récemment (mars 2005) d'émettre des réserves qu’il conviendrait de prendre réellement en compte :
«Les efforts déployés pour promouvoir cette technologie (les implants cochléaires) chez les enfants sourds posent des questions éthiques quant à son impact sur le porteur d’implant et sur la communauté des sourds (notamment ceux qui communiquent en langue des signes). Ils ignorent le problème d’intégration sociale du porteur d’implant dans cette communauté et ne prêtent pas une attention suffisante aux incidences psychologiques, linguistiques et sociologiques. Avant toute chose ils promeuvent une vision particulière de la normalité. Du point de vue du CEE la question des implants cochléaires elle-même, l’analyse risques/avantages et le problème d’accès équitable aux soins devraient être encore approfondis».
Cette technique ne saurait être présentée comme un traitement universel de la surdité, permettant l'audition et donnant accès au langage à tous coups! En effet, la très longue rééducation nécessaire après implant ne permet pas une entrée facile dans les langues vocales. De plus, les implants comportent un pourcentage non négligeable d'échecs, qui ne sont reconnus comme tels qu'après deux ans de rééducation! Or la plupart des implantations sont accompagnées d'un discours "médical", interdisant ou déconseillant fortement (ce qui a bien souvent valeur d'interdit pour les parents) la LSF, privant ainsi l'enfant d'une véritable langue, facile d'accès, pendant une longue période, cruciale pour sa construction psychique.

L'argumentation comptable ne prend pas en considération l'ensemble des paramètres intervenant dans ce choix d’orientation des tout jeunes enfants sourds vers une filière de soins par le « remède » oral. Elle ne chiffre pas le caractère pathogène des annonces prématurées et fait comme si, après dépistage et implantation cochléaire, le Sourd allait pouvoir être considéré comme un entendant. Elle minimise le coût des équipements et du personnel qui devra être sans cesse augmenté pour qu'une telle entreprise soit poursuivie. Elle ne tient pas compte non plus des effets négatifs que cette orientation vers le tout sonore va entraîner au niveau des dispositifs d'accueil —qui parviennent encore, tant bien que mal, à maintenir un espace où les langues des signes sont accessibles aux jeunes enfants sourds. Cette entreprise minimise en fait les coûts réels qui devront être engagés, pour faire passer auprès des décideurs soucieux du déficit de la sécurité sociale des mesures dites d’économie mais qui de fait vont aggraver ces déficits ! Ni sur le plan comptable ni sur le plan humain, la mise en place de cette filière de soins, visant de fait à faire disparaître la LSF dans les lieux d’accueil, ne nous paraît justifiée !

Nous ne sommes pas opposés aux progrès médicaux, mais nous pensons que ceux-ci doivent rester au service de l'être humain et non l'inverse.
Nous pensons nécessaire de saisir toutes les instances habilitées à se prononcer sur cette situation ainsi que les divers médias et réseaux d'information afin de faire connaître les impasses et désastres éducatifs et humains qu'une telle organisation- interdisant de fait la langue des signes- produit actuellement même.
Alors que tous les travaux, notamment linguistiques, sociologiques et psychologiques, ont très largement démontré la nécessité pour l’enfant d’accéder le plus tôt possible à cette langue, la situation effective œuvre exactement à rebours. Alors qu'il a été très largement démontré combien la pratique précoce de la langue des signes aide et nourrit la curiosité exploratoire à aller vers d'autres formes langagières orales ou écrites, nous assistons à une mise en œuvre de sa disparition effective.
Nous ne pouvons pas nous taire devant une telle situation. Ceci concerne le processus d’humanisation, de socialisation et nous interpelle tous sur ce qui se passe dans de tels dispositifs.

Nous en appelons aux législateurs et responsables divers, aux associations et organismes, aux professionnels, à tous ceux qui, sensibles et respectueux des différences et particularités, souhaitent que soient mises en place d'autres formes de dispositifs authentiquement intégratifs.
Il est en effet de toute première urgence que nous allions vers une intégration de la langue des signes française pour véritablement intégrer les enfants sourds. A cet effet, la dimension du groupe des locuteurs signants mérite d'être respectée et prise en compte ainsi que l'ont déjà compris d'autres pays. En intégrant le groupe nous construisons effectivement une intégration de la différence et non pas comme actuellement du déficit ! Pour que les enfants entendants puissent eux aussi apprendre cette langue, il est de toute première importance en effet qu'elle soit vivante et donc parlée par plusieurs locuteurs signants. Ainsi peut advenir un nouveau regard sur ceux qui parlent autrement et qui par leurs différences langagières enrichissent ceux qui les rencontrent.

Professionnels, parents, citoyens, tous concernés diversement par une telle situation :

Nous en appelons à un droit à penser un véritable accueil de la différence langagière, à construire un réel bilinguisme au sein des dispositifs éducatifs de notre pays.

Nous nous élevons contre une tentative infondée et injustifiée d’assimilation de la surdité à une maladie et des Sourds à des malades à soigner par des techniques qui posent ce jour d’importants problèmes dénoncés notamment par le Comite d’Ethique Européen.

Nous refusons la situation actuelle qui prive l'enfant sourd de la langue des signes vers laquelle il est attiré très précocement, langue qui lui est nécessaire pour prendre parole, aller vers d’autres univers langagiers et s'instruire ainsi que tous les autres enfants.

Nous souhaitons que d'autres formes de dispositifs intégratifs (notamment de groupe) permettant véritablement l'existence réelle de la langue des signes française dans l'environnement éducatif des enfants sourds puissent se mettre en place.

Nous informerons le plus largement possible les responsables politiques et tous les citoyens sur l'importance de ce problème, sur ses conséquences et sur les conditions minimales requises pour que la LSF ne disparaisse pas des circuits éducatifs de notre pays.

pour signer c'est ici : http://appel.lsf.free.fr/

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